dimanche 7 novembre 2010

Les mains de la maîtresse

Avant quand j'avais un petit frère, c'était plus facile ; j'avais toujours à ma disposition quelqu'un contre qui me coller au chaud pour roupiller et avec qui jouer à la bagarre...

Bon maintenant, j'ai une maîtresse.

Une maîtresse, c'est un animal de compagnie qui peut s'avérer très ludique, si on en prend soin. Moi, la mienne, quand je suis arrivé, elle pleurait souvent. Ils sont bizarres, ces humains : de l'eau salée leur coule des yeux, leur voix a des trémolos et ils s'effondrent en faisant ce qu'ils appellent pleurer. Je crois que c'est une façon pour eux d'exprimer de la tristesse, en fait. Je ne sais pas trop, notez bien ; il faudrait que je compare mes notes avec d'autres chats pour en avoir la confirmation.

Ma précédente maîtresse était une femme calme et souriante ; le seul moment où elle a pleuré comme ça, c'est quand mon père est mort. Mais bon, là c'était normal. Moi aussi je n'étais pas trop jouasse quand ça c'est produit : c'était tellement brusque et inattendu...

Mais ma maîtresse actuelle, elle pleurait tout le temps. Elle se réveillait, elle fondait en larmes, elle regardait une histoire avec des humains qui s'embrassent sur son nordinateur, elle s'effondrait en sanglots. Des fois même, elle regardait par la fenêtre et paf, rebelote...

Ce n'était pas très commode.

Au début, je ne savais pas trop quoi faire, surtout qu'elle me prenait dans ses bras et réfugiait son visage tout barbouillé d'eau salé dans mon beau poil tout juste lustré... J'ai vite découvert que les humains réagissent à notre ronronnement : comme nous, ça les apaise. C'est dommage qu'ils ne puissent pas le faire eux-même, parce que ça leur éviterait de pleurer tout le temps... Donc à chaque fois qu'elle pleurait, je me suis mis à ronronner. J'évitais de bouger, et même quand j'avais envie de jouer, je restais tranquille dans ses bras, à attendre que ça lui passe... Des fois je la regardais longuement, fasciné par cette eau qu'elle arrive à produire ; mais allez savoir pourquoi, ça la faisait pleurer encore plus... Elle disait qu'elle ne comprenait pas pourquoi elle avait un chat aussi gentil que moi, alors qu'aucun humain ne voulait d'elle, et pourquoi je l'aimais, moi, alors que pas humain ne voulait l'aimer... Des trucs comme ça...

Bon, moi je l'aime parce que j'aime les savoureuses croquettes qu'elle me donne, j'aime les jouets qu'elle me rapporte, j'aime sa chaleur, et son corps moelleux contre lequel il fait trop bon se blottir... J'aime son odeur un brin musquée un rien divine, assez proche de la mienne, quand elle ne met pas ce truc fleuri qui sent super fort, là, le parfum ; j'aime son aura qui est très brillante, parfois, surtout quand elle se met au soleil. J'aime quand elle traine une ficelle pour moi, j'aime quand elle me porte pour que je puisse chasser les mouches en hauteur, j'aime quand elle me protège si une abeille ou une guêpe entre à la place d'une mouche... J'aime ses yeux aussi, parce que l'eau qu'ils produisent est vraiment curieuse, mais je les aime aussi quand elle pleure pas, on dirait de belles billes d'un joli brun tabac ; elle a des pupilles rondes, pas comme celle d'un chat, et tout ce qui est rond me fascine... J'aime ses cheveux. Ouais, J'ADORE ses cheveux...

En plus elle a une jolie âme. Je la vois, parfois, la nuit, quand elle dort ; elle se détache de son corps, si souriante, si belle, si heureuse... Le sommeil, ça la rend belle, ma maîtresse. Je me demande si elle rêve des même trucs que moi. Je pense qu'elle est capable de rêver, comme moi, parce qu'elle bouge et elle n'est pas réveillée. Des fois même elle essaye de parler. Si, je crois que les humains ont comme nous autre chats la capacité de rêver.

Bon, moi, j'aime ma maîtresse, vous l'avez compris. Je ne sais pas pourquoi c'est si important pour elle d'être aimée par un autre humain, parce que, maintenant que je suis là, je devrais lui suffire, au fond. Enfin, je crois que ça va mieux, ça. A force de ronronner quand elle pleure, à force de l'obliger à jouer quand elle est triste, de venir dormir tout contre elle quand elle travaille à son PC, de lui donner ma chaleur et mon odeur, elle va un peu mieux. Enfin j'ai l'impression : elle fait moins d'eau salée, c'est déjà ça. Tout ça pour en revenir à un jeu que j'aime beaucoup avec elle, c'est la bagarre avec ses mains.

C'est tip-top, ça, la bagarre avec ses mains. Je fais attention de faire patte douce, parce que j'ai remarqué que ça saigne, un humain, quand on griffe trop fort... En même temps, c'est un peu normal, ça, je pense, vu qu'ils n'ont pas la chance d'avoir une belle fourrure soyeuse comme nous...

Elle commence par me provoquer, en faisant tapoter ses doigts sur le plancher...


Ça bouge, ça fait du bruit... Ça ne demande qu'à être attaqué !


Alors je plonge, j'attrape à pattes le corps, et je fais mine de la tuer, cette main énervante qui ose bouger quand je suis en train de la chasser...


C'est FUN.

Et puis ça fait rire ma maîtresse. C'est plus agréable, les bruits qu'elle fait quand elle rit que ceux qu'elle produit quand ses yeux débordent d'eau salée...

J'ai pas fini de l'attaquer, moi, je vous le dis... Je lui attaquerai les mains jusqu'à ce qu'elle n'ait plus d'eau salée dans le corps à faire déborder par ses jolis yeux, ah mais !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire